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Marché des grains Une demande dynamique soutient encore le blé

Tallage, cabinet d’études spécialisé dans les marchés des céréales, oléagineux et protéagineux, nous livre son analyse hebdomadaire.

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Les céréales restent stables ou grimpent encore, mais le colza marque une nette correction à la baisse cette semaine.

 

Chine, USA et Russie sur le devant de la scène

Deux actualités internationales ont marqué la semaine : la signature de la phase 1 de l’accord commercial entre la Chine et les USA d’une part, l’annonce du gouvernement russe d’une consultation concernant la mise en place d’un possible plafond sur les exportations de grains pour la période de janvier à juin 2020, d’autre part.

 

Ces deux actualités ont fait grimper les prix du blé sur le marché mondial mais leur effet n’est pas resté soutenu.

 

En effet, l’accord entre la Chine et les USA stipule les quantités (en dollars) de matières agricoles que la Chine devrait acheter aux USA en 2020 et 2021. D’une part, l’accord ne donne aucun détail précis et d’autre part, il stipule aussi que la Chine achètera si les conditions de marché le permettent. Le soja était la principale composante des exportations US à la Chine en 2017, avant le conflit. Pour atteindre les engagements signés, la Chine devra forcément ré-augmenter ses achats de soja en provenance des USA. Cela se produira sans doute en parallèle d’importations accrues aussi de viande, de drêches et de beaucoup d’autres produits agricoles, mais qui ne suffiront pas. Les céréales, et le blé notamment, pourraient être importées en plus grande quantité que ces dernières années mais les augmentations ne sont pas attendues très élevées. À cause des conséquences incertaines encore, cet accord n’a pas réussi à soutenir les prix bien longtemps. Chicago et Euronext repartaient à la baisse jeudi après la progression de mercredi.

 

Sur le front russe, une actualité qui a fait plus de peur que de mal : d’une part, la consultation annoncée par le gouvernement devait se faire sur la base d’un texte qui n’a pas été publié à la date annoncée et d’autre part, le plafond d’exportations envisagé dépasse nettement les exportations réalistes qui sont prévues au départ de la Russie pour les prochains mois. Même s’il était mis en application, ce plafond ne serait pas limitant. Néanmoins, cette volonté du gouvernement russe de contrôler les exportations pour protéger son marché intérieur vient encore mettre en lumière, s’il le fallait, le fait que le bilan de blé russe s’annonce bien tendu cette campagne.

 

> À lire aussi : Accord chine-USA : 200 milliards de dollars d’importations supplémentaires pour la Chine (16/01/2020)

Encore plus haut en blé

Les prix russes ont d’ailleurs grimpé de 5 $/t cette semaine, à 225 $/t Fob.

En dehors de ces deux événements, le marché du blé US avait réagi au début de la semaine à la première estimation des surfaces de blé d’hiver aux USA : ces dernières sont les plus basses depuis 1909. En France, les prix ont été poussés vers le haut par le contexte mondial haussier au début de la semaine ; Euronext est grimpé jusqu’à 196,25 €/t mercredi avant de chuter légèrement jeudi. Les prix du blé sont globalement en hausse sur le marché physique cette semaine, de 2 €/t à Rouen (à 189,5 €/t en base juillet), reflétant la nouvelle progression mondiale de la semaine. Le blé français vaut maintenant 222 $/t Fob Rouen : il est assez cher face au blé russe et ne pourra continuer à grimper que si ce dernier s’élève bien lui aussi. Les prix ont par ailleurs réagi à une demande restant dynamique : 550 000 tonnes achetées par la Turquie cette semaine (origine non spécifiée), 240 000 tonnes par l’Égypte (de blé roumain et russe), appel d’offres en cours de la part de la Tunisie (100 000 tonnes) et de la Jordanie (120 000 tonnes).

 

Cependant, on note cette semaine en France les premiers signes de réelles inquiétudes faisant suite aux grèves : si l’approvisionnement des ports restait entravé, les exportations des semaines à venir finiraient par en souffrir et entraîneraient une baisse des prix français.

 

Hausse en orge fourragère

Les orges fourragères s’apprécient encore cette semaine, de 1 €/t à Rouen à 165,5 €/t (base juillet). Elles suivent le prix du blé mais restent plus chères que les orges de la mer Noire. Aussi, il est probable que ce soit des orges de la mer Noire qui soient choisies par la Tunisie dans son appel d’offres actuel de 75 000 tonnes : les prix les moins élevés proposés à ce pays sont de 209,93 $/t à l’arrivée, ce qui correspond à un prix Fob au départ de la mer Noire ou de l’UE voisin de 189 $/t. Or, les orges françaises vraiment 194 $/t Fob Rouen actuellement contre 188 $/t pour les orges mer Noire. Cette situation vient éclairer le potentiel de baisse attendu du prix des orges fourragères françaises.

 

De son côté, l’Algérie a cherché à contracter 15 000 tonnes d’orges fourragères cette semaine mais a clôturé son appel d’offres sans rien acheter à cause de prix proposés élevés (nettement supérieurs à ceux proposés à la Tunisie).

 

Sur le segment brassicole, c’est le statut quo pour les prix de l’ancienne récolte (à 161 €/t et 162 €/t respectivement pour les orges d’hiver et de printemps Fob Creil, base juillet) ; les orges de la récolte de 2020, quant à elles, s’affichent à des niveaux proches de ceux de l’ancienne récolte (frais de stockage compris). Cela est en ligne avec un bilan brassicole qui s’annonce encore lourd pour la prochaine campagne.

Peu de mouvement en maïs

Les prix du maïs sont restés stables cette semaine sur le marché français, comme sur le marché mondial. Ils ont légèrement grimpé à l’annonce de la signature entre les USA et la Chine mais se sont repliés ensuite du fait du faible impact probable de cette signature sur les achats de maïs US par la Chine. En revanche, le maintien par l’USDA d’une estimation proche de 347 millions de tonnes pour la récolte US de 2019 (jugée élevée — nous retenons de notre côté un niveau de 340 millions de tonnes) a pesé sur les prix. Les bonnes conditions de développement du maïs en Argentine après les craintes des mois passés ont aussi ajouté un peu de lourdeur. Dans ce contexte, les prix français sont restés sur leur niveau de 170 €/t Fob Rhin (base : juillet).

 

Le soja en baisse faisant suite à la signature de l’accord USA-Chine

Le prix de soja US à Chicago a baissé d’environ 4 $/t (à 340 $/t) sur une semaine malgré la signature de la première phase de l’accord commercial entre les États-Unis et la Chine mercredi dernier. Cet accord a été baissier pour le marché, en raison de l’ambiguïté et du manque de détail sur les achats de produits agricoles américains promis par la Chine. En, effet, elle s’est engagée à acheter pour 36,5 milliards de dollars US de produits agricoles en 2020 et 43,5 milliards de dollars US en 2021. Ces montants apparaissent ambitieux. De plus, selon le texte de l’accord, ces achats seront effectués en fonction de « considérations commerciales » et des « conditions du marché ». Ainsi des achats supplémentaires de soja US par la Chine sur les prochains mois sont possibles en théorie, mais très incertains en pratique. Les sojas brésiliens, s’ils restent très compétitifs, pourraient empêcher de nouvelles ventes US.

 

Signalons également que les ventes de soja brésilien se sont accélérées au cours des dernières semaines. Les opérateurs ont anticipé la signature de l’accord commercial entre les USA et la Chine.

D’autre part, les ventes hebdomadaires de soja pour la semaine se terminant le 9 janvier ont été supérieures aux attentes du marché. Elles ont quasi doublé par rapport à la semaine d’avant, à 711 000 tonnes dont près de 300 000 tonnes destinées vers l’UE. Cela n’a néanmoins pas réussi à stimuler les cours qui ont continué de reculer jeudi.

 

Le tourteau de soja US a évolué dans le sens inverse. À Chicago, son prix gagne 5 $/t, à 331 $/t, en raison des ventes très dynamiques. Selon le ministère de l’Agriculture américain, les ventes à l’étranger ont fortement augmenté pendant la semaine se terminant le 9 janvier, à 375 000 tonnes (contre 74 000 tonnes la semaine précédente). Le prix du tourteau en France a suivi : il augmente de 2 €/t, à 337 €/t, sur une semaine.

Le colza en chute libre…

Le complexe du colza a subi une nette dépréciation sur une semaine. En France, son prix cède 20 €/t en Fob Moselle et 18 €/t en rendu Rouen à respectivement 402 €/t et 398 €/t. Sur le marché à terme, il recule d’environ 16 €/t, à 404,25 €/t. Le prix du canola canadien, quant à lui, recule de 5 $/t, à 365 $/t. De son côté, l’huile de colza a diminué de 38 $/t, à 835 $/t, à Rotterdam. Ces importantes pertes s’expliquent par plusieurs éléments baissiers qui se sont succédé depuis la semaine dernière.

 

D’abord, les cours de l’huile de palme ont nettement reculé en raison des tensions diplomatiques entre la Malaisie et l’Inde. En réponse aux critiques faites par le premier ministre malaisien sur les actions de l’Inde au Cachemire et sa nouvelle loi sur la citoyenneté, le gouvernement indien a donné comme instructions aux acheteurs du pays de boycotter les marchandises malaisiennes. Les importateurs indiens ont donc arrêté tous leurs achats d’huile de palme malaisienne par crainte de blocage des bateaux dans les ports.

 

Le complexe colza a également été affecté par la baisse des cours du soja à la suite des incertitudes générées par l’accord sino-américain.

 

Un autre élément baissier a prévalu cette semaine ; le Parlement ukrainien a voté le rétablissement du remboursement de la TVA pour tous les exportateurs de colza et de soja (depuis le 1er janvier 2020, seules les entités à la fois productrices et exportatrices pouvaient en bénéficier). Ce revirement implique que tous les acteurs du marché pourront bénéficier du remboursement de la TVA pour les exportations de ces deux produits. Cette nouvelle a affecté négativement les prix européens, cette dernière favorisant les exportations de colza ukrainien.

 

Le tournesol de la mer Noire dopé par la demande à l’exportation

Le prix du tournesol dans la zone de la mer Noire a marqué une très forte hausse depuis la semaine dernière (+40 $/t, à 410 $/t). Il est maintenant au plus haut niveau depuis juin 2016. Cela s’explique principalement par le rebond de la demande à l’exportation en Russie et en Bulgarie notamment à destination de l’UE et de la Turquie. À titre d’exemple, la Russie a exporté près de 180 000 tonnes de tournesol au cours du mois de décembre dernier contre zéro en décembre 2018. En France, le prix est resté stable sur une semaine à 380 €/t, tiraillé entre la hausse des origines de la mer Noire et la tendance baissière du colza et du soja.

 

 

À suivre : détail de l’accord entre la Chine et les USA, rythme des exportations en France, compétition entre la mer Noire et l’UE en orge, climat pour les cultures d’hiver, semis de printemps, demande mondiale en huile de palme, production de colza en Europe et dans la zone de la mer Noire (climat), avancée des récoltes au Brésil, et climat en Argentine (soja).

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